Semaine Missionnaire Hospitalière 18-24 Octobre
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MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MISSIONS 2021
Synthèse du discours du Saint-Père
Chers frères et sœurs,
Quand nous expérimentons la force de l’amour de Dieu, quand nous reconnaissons sa présence de Père dans notre vie personnelle et communautaire, il nous est impossible de ne pas annoncer et partager ce que nous avons vu et entendu. La relation de Jésus avec ses disciples, son humanité qui se révèle à nous dans le mystère de l’incarnation, dans son Évangile et dans sa Pâque, nous font voir jusqu’à quel point Dieu aime notre humanité et fait siens nos joies et nos souffrances, nos espoirs et nos angoisses (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n° 22). Tout dans le Christ nous rappelle que le monde dans lequel nous vivons et son besoin de rédemption ne lui sont pas étrangers et nous invite également à nous sentir partie active de cette mission : « Allez aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les » (Mt 22, 9). Personne n’est étranger, personne ne peut se sentir étranger ou éloigné de cet amour de compassion.
L’histoire de l’évangélisation commence par une recherche passionnée du Seigneur qui appelle et veut engager avec chaque personne, là où elle se trouve, un dialogue d’amitié (cf. Jn 15, 12-17). Les apôtres sont les premiers à nous rapporter cela. L’amitié avec le Seigneur, le voir guérir les malades, manger avec les pécheurs, nourrir les affamés, s’approcher des exclus, toucher les personnes impures, s’identifier aux nécessiteux, inviter aux béatitudes, enseigner d’une manière nouvelle et pleine d’autorité, laisse une empreinte indélébile, capable de susciter l’étonnement et une joie expansive et gratuite qui ne peut être contenue.
Cependant, les temps n’ont pas toujours été faciles ; les premiers chrétiens ont commencé leur vie de foi dans un environnement hostile et difficile. Des histoires de marginalisation et de captivité s’entremêlaient avec des résistances internes et externes qui paraissaient contredire et même nier ce qu’ils avaient vu et entendu ; mais cela, loin d’être une difficulté ou un obstacle qui les aurait porté à se replier ou à se renfermer sur eux-mêmes, les a poussés à transformer tout désagrément, contrariété et difficulté, en opportunité pour la mission. Les limites et les obstacles devinrent eux aussi un lieu privilégié pour oindre toute chose et chacun avec l’Esprit du Seigneur. Rien ni personne ne pouvait rester étranger à l’annonce libératrice.
Ainsi, pour nous aussi, le moment actuel de notre histoire n’est pas facile non plus. La pandémie a mis en évidence et amplifié la douleur, la solitude, la pauvreté et les injustices dont tant de personnes souffraient déjà, et a démasqué nos fausses sécurités et les divisions et polarisations qui nous déchirent silencieusement. Les plus fragiles et les plus vulnérables ont expérimenté encore plus leur vulnérabilité et leur fragilité. Nous avons vécu le découragement, le désenchantement, la fatigue ; et même l’amertume conformiste qui ôte l’espérance a pu s’emparer de nos regards. Mais nous, « ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus » (cf. 2 Co 4, 5). C’est pourquoi nous entendons résonner dans nos communautés et dans nos familles la Parole de vie qui retentit dans nos cœurs et nous dit : « Il n’est pas ici, il est ressuscité » (Lc 24, 6).
En ce temps de pandémie, face à la tentation de masquer et de justifier l’indifférence et l’apathie au nom d’une saine distanciation sociale, la mission de la compassion, capable de faire de la distance nécessaire un lieu de rencontre, de soin et de promotion, est urgente. « Ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4, 20), la miséricorde avec laquelle nous avons été traités, se transforme en un point de référence et de crédibilité qui nous permet de retrouver la passion partagée pour créer « une communauté d’appartenance et de solidarité à laquelle nous consacrerons du temps, des efforts et des biens » (Lettre enc. Fratelli tutti, n° 36).
« Jésus Christ vit vraiment » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n° 275) et il nous veut aussi vivants, fraternels et capables d’accueillir et de partager cette espérance. Dans le contexte actuel, il y a un besoin urgent de missionnaires d’espérance qui, oints par le Seigneur, soient capables de rappeler prophétiquement que personne ne se sauve tout seul.
Le thème de la Journée Mondiale des Missions de cette année, « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4, 20), est une invitation à chacun d’entre nous à » assumer cette charge » et à faire connaître ce que nous avons dans le cœur. Cette mission est et a toujours été l’identité de l’Église : « Elle existe pour évangéliser » (Saint Paul VI, Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, n° 14).
La vocation à la mission n’est pas quelque chose du passé ou un souvenir romantique d’autrefois. Aujourd’hui, Jésus a besoin de cœurs capables de vivre leur vocation comme une véritable histoire d’amour, qui les fasse sortir aux périphéries du monde et devenir des messagers et des instruments de compassion. Et c’est un appel qu’il adresse à tous, même si ce n’est pas de la même manière. Rappelons-nous qu’il y a des périphéries qui sont proches de nous, au centre d’une ville, ou dans sa propre famille. Il y a aussi un aspect d’ouverture universelle de l’amour qui n’est pas géographique mais existentiel. Toujours, mais spécialement en ces temps de pandémie, il est important de développer la capacité quotidienne d’élargir notre cercle, d’atteindre ceux qui spontanément nous ne sentirions pas comme faisant partie de » nos centre d’intérêts « , même s’ils sont proches de nous. (cf. Lettre enc. Fratelli tutti, n° 97).
Que Marie, la première disciple missionnaire, fasse croître chez tous les baptisés le désir d’être sel et lumière sur nos terres (cf. Mt 5, 13-14).
lundi 18 octobre
Evangelii gaudium
Motivations pour une impulsion missionnaire renouvelée
Évangélisateurs avec esprit signifie évangélisateurs qui prient et travaillent. Du point de vue de l’Évangélisation, il n’y a pas besoin de propositions mystiques sans un fort engagement social et missionnaire, ni de discours et d’usages sociaux et pastoraux, sans une spiritualité qui transforme le cœur. Ces propositions partielles et déconnectées ne touchent que des groupes réduits et n’ont pas la force d’une grande pénétration, parce qu’elles mutilent l’Évangile. Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’engagement et à l’activité. Sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. L’Église ne peut vivre sans le poumon de la prière, et je me réjouis beaucoup que se multiplient dans toutes les institutions ecclésiales les groupes de prière, d’intercession, de lecture priante de la Parole, les adorations perpétuelles de l’Eucharistie. En même temps, « on doit repousser toute tentation d’une spiritualité intimiste et individualiste, qui s’harmoniserait mal avec les exigences de la charité pas plus qu’avec la logique de l’Incarnation ».Il y a un risque que certains moments d’oraison se transforment en excuse pour ne pas se livrer à la mission, parce que la privatisation du style de vie peut porter les chrétiens à se réfugier en de fausses spiritualités.
Il est salutaire de se souvenir des premiers chrétiens et de tant de frères au cours de l’histoire qui furent remplis de joie, pleins de courage, infatigables dans l’annonce, et capables d’une grande résistance active. Il y en a qui se consolent en disant qu’aujourd’hui c’est plus difficile ; cependant, nous devons reconnaître que les circonstances de l’empire romain n’étaient pas favorables à l’annonce de l’Évangile, ni à la lutte pour la justice, ni à la défense de la dignité humaine. À tous les moments de l’histoire, la fragilité humaine est présente, ainsi que la recherche maladive de soi-même, l’égoïsme confortable et, en définitive, la concupiscence qui nous guette tous. Cela arrive toujours, sous une forme ou sous une autre ; cela vient des limites humaines plus que des circonstances. Par conséquent, ne disons pas qu’aujourd’hui c’est plus difficile ; c’est différent. Apprenons plutôt des saints qui nous ont précédés et qui ont affronté les difficultés propres à leur époque. À cette fin, je propose que nous nous attardions à retrouver quelques motivations qui nous aident à les imiter aujourd’hui.
mardi 19 octobre
Hospitalité en mission
Textes des lettres circulaires de sœur Anabela Moreira, Supérieure Générale des Hospitalières du Sacré-Cœur de Jésus.
Consciente que la qualité de la vie fraternelle est un pilier fondamental de notre vie hospitalière et aussi un moyen concret d’évangéliser, Anabela Carneiro, nous invite à ne pas nous laisser aller à la dérive. « Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire » en succombant à une vie spirituelle qui ne nourrit pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation ; à une prière où l’individualisme, la crise d’identité et la perte de ferveur ne font que s’amplifier ; à un relativisme pratique où la foi et les critères de l’évangile n’ont aucune incidence sur la vie et sur les choix quotidiens.
Ressuscitons à cette vie nouvelle qui nous pousse à accueillir l’expérience de la miséricorde de Dieu, dans l’expérience d’intimité avec Jésus, et à lui donner vie dans nos paroles et dans nos gestes d’hospitalité.
Ressuscitons à cette vie nouvelle qui, au-delà de nos limites, nous incite à vivre avec passion la “ belle vocation de charité ” qui nous a été offerte (Cong. 29/2018).
De la source d’Eau vive pour le monde… est la deuxième partie de la prière du “ Souvenez-vous ” que nous récitons ; nous la prions de répandre sur le monde l’espérance et le salut, la justice et la paix, des dons que j’ose échanger contre la consolation, l’espérance et l’hospitalité, en tenant compte de la réalité que nous vivons au niveau mondial et congrégationnel.
Le Seigneur répand abondamment ces dons de son cœur sur l’humanité, mais il veut se servir de nous, tant au niveau personnel que congrégationnel, pour être les » instruments » de sa réalisation ; la prière doit se faire » chair » en nous, dans nos paroles, nos gestes, nos sentiments, dans notre vie. Toi, ma sœur, tu es appelée à être un instrument de consolation, d’espérance et d’hospitalité ; de même, la Congrégation, au milieu de ses défis et de ses espérances, est appelée aujourd’hui à témoigner consolation, espérance et hospitalité.
En ce sens, en plus de ce que je partage simplement, je voudrais inviter chaque communauté à réfléchir sur les manières concrètes et créatives de vivre la consolation, l’espérance et l’hospitalité, ad intra, c’est-à-dire dans nos contextes communautaires et dans les œuvres hospitalières, et ad extra, avec ceux que nous côtoyons.
Face aux situations de souffrance qui déchirent l’humanité et que, de par notre vocation samaritaine, nous touchons de très près, il est urgent que nous soyons des femmes capables de consoler, d’être des témoins de la miséricorde et de la tendresse du Seigneur ; mais, comme nous le rappelle le Pape François, « nous ne pouvons pas en être porteur si nous n’expérimentons pas nous-mêmes en premier la joie d’être consolés par Lui, d’être aimés de Lui. Cela est important pour que notre mission soit féconde : vivre la consolation de Dieu et la transmettre ! ».
Comme expressions concrètes de consolation, j’insiste tout particulièrement sur la proximité et le soin, une expression qui montre que l’autre et sa réalité sont plus importants que nous-mêmes et que sa souffrance ne nous laisse pas indifférentes ; l’écoute et l’accueil, qui lui permettent de se sentir chez lui et de communiquer, verbalement ou autrement, ses angoisses et ses espoirs, ses désirs et ses découragements, ses tristesses et ses joies ; la présence douce et silencieuse, qui n’utilise pas de mots vides de sens mais sait » être avec « , étant un baume de guérison lorsque la douleur devient forte et parfois insupportable.
Nous pouvons percevoir cet appel à être des » artisans de l’hospitalité « , en tissant, dans nos relations et dans le service apostolique, des gestes samaritains qui nous configurent et scellent notre être de témoins de Jésus compatissant et miséricordieux.
Le document capitulaire présente plusieurs concrétisations de cet » être des artisans d’hospitalité « , de cette » pratique de l’hospitalité « , mais j’ose partager trois aspects que je considère importants pour notre aujourd’hui : le service humble et joyeux, tant envers nos sœurs en communauté que dans les œuvres apostoliques qui nous sont confiées ; la disponibilité pour l’envoi, en faisant passer avant mes intérêts et mes goûts ceux de la mission et du Royaume ; la gratuité à assumer les charges des unes et des autres (cf. Gal 6, 2). (Cong 44/2020).
mercredi 20 octobre
Progresser dans l’hospitalité comme saint Jean de Dieu
La mission de l’hospitalité et de la miséricorde aujourd’hui
Nous vivons dans une société globalisée en perpétuel mouvement, dans des groupes sociaux pluriculturels qui manifestent de manière tangible le pluralisme ambiant. On nous demande de faire preuve de tolérance envers l’autre, c’est-à-dire celui qui est différent de nous. Une telle situation nous révèle que les blocs homogènes et compacts d’autrefois n’existent plus. Nous sommes étonnés de constater que ce qui nous était propre semble désormais autre et étrange. Par contre, ce qui, au départ, nous semblait étrange et autre s’est glissé dans nos habitudes. Dans les sociétés aussi complexes où l’un ou l’autre groupe social affirme son identité de façon excessive, une plus grande sensibilité est requise pour s’intéresser aux exclus.
Les situations perverses de notre monde ne sont que trop bien connues. Le nombre de pauvres et d’exclus ne fait qu’augmenter malgré l’apparition des nouvelles technologies et la globalisation. La conception sacrée de la personne cède le pas aux idoles devant lesquelles les sociétés modernes se prosternent. L’éducation (mass media et climat socio-économique) que cette société offre aux nouvelles générations ne met pas en évidence la valeur de l’hospitalité mais accorde une place privilégiée à l’individualisme, au matérialisme et à l’hédonisme.
L’explosion démographique lance un défi à l’hospitalité : déracinement des familles, urbanisation, exploitation insoutenable des ressources disponibles pour satisfaire les demandes croissantes de la population. Dans de nombreux lieux, l’être humain semble avoir perdu la notion du sens sacré de la vie. Guerres fratricides, violences contre les femmes sans défense, exploitation des enfants innocents, capitalisme sauvage qui creuse toujours plus le fossé entre les riches et les pauvres. Il y a une grande inégalité entre les 30% de la population mondiale qui vivent dans une abondance matérielle et les 70% condamnés à la pauvreté et privés des biens élémentaires pour mener une vie digne de ce nom.
Les attitudes d’accueil, de reconnaissance, de service et de solidarité (hospitalité) de nos contemporains déploient toute leur splendeur dans de nombreuses institutions et initiatives. ONG, bénévolat, institutions sociales de tous genres, armées de la paix, services civils, mouvement de justice et de paix, défense de l’écologie, de la dignité humaine, refus de toute forme de xénophobie, etc. De nombreux peuples conservent encore jalousement leurs précieuses traditions d’hospitalité. Il faut toutefois reconnaître que celles-ci accusent un certain déclin à cause d’un soucis excessif et prédominant de sécurité. Les guerres, la violence, le terrorisme, les crimes et l’insécurité ambiante sont tels qu’ils influent négativement sur les valeurs traditionnelles de l’hospitalité.
L’Ordre souhaite être à la hauteur des temps et répondre, avec un nouvel élan, à sa vocation spécifique en offrant des milieux de vie où l’organisation, le professionnalisme, la technique et l’humanisation se conjuguent et s’harmonisent avec des gestes et des attitudes de service, d’accueil, de solidarité et de guérison pour le corps et pour l’esprit.
jeudi 21 octobre
Inculturation
Stephen Bevans, SVD Société du Verbe divin
Professeur de Mission et Culture à l’Union Théologique Catholique de Chicago
Tout au long de l’histoire de l’Église, de nombreux chrétiens prophétiques ont pratiqué d’une certaine manière ce que nous appelons aujourd’hui l’“ inculturation ”. Pierre et Paul, le martyr Justin, François d’Assise, Claire, Ramón Lull, Mateo Ricci, Martin Luther King, Mère Teresa, Roland Allen et Charles de Foucauld, ne représentent qu’un petit nombre d’une longue litanie.
Les missiologues, particulièrement ceux qui sont spécialisés en histoire de l’Église, ont récemment souligné l’importante contribution que ces figures ont apportée à l’histoire de l’Église et au développement de la théologie. Toutefois, alors qu’on peut dire que d’une certaine manière l’Église a toujours pratiqué l’inculturation, ce que l’on entend aujourd’hui par inculturation n’est pas quelque chose de limité à quelques hommes et femmes qui vivent “ en marge ”, dans des situations de danger, mais fait partie intégrante de l’authentique communication de l’Évangile. « Vous pouvez et vous devez avoir un christianisme africain », proclamait Paul VI en 1969. La « contextualisation… n’est pas simplement une bonne chose », écrit le missiologue évangélique David Hesselgrave, « c’est une nécessité ».
Le fait que l’inculturation occupe une place centrale dans la missiologie d’aujourd’hui vient de ce que la théologie et la spiritualité ont commencé à reconnaître le rôle fondamental de l’expérience dans la vie humaine. Traditionnellement, la théologie était conçue comme une réflexion de la foi sur l’Écriture et la Tradition. Il n’y avait qu’une seule théologie, valable toujours et en tous lieux. Quand la théologie a commencé à reconnaître le tournant anthropologique qui a tant marqué la conscience occidentale moderne, l’expérience a acquis un rôle toujours plus influent en son sein. Mais l’expérience n’est pas venue simplement s’ajouter aux sources traditionnelles. Le tournant anthropologique a révélé que l’Écriture et la Tradition étaient influencées par l’expériences de femmes et d’hommes qui vécurent dans des contextes temporels, géographiques et culturels déterminés. Aussi l’expérience a-t-elle acquis une valeur normative qu’elle n’avait pas par le passé.
Nous reconnaissons maintenant que la théologie occidentale était un produit limité, contextuel, d’un ensemble d’expériences déterminé. Chaque époque et chaque culture possèdent leur validité propre et ont besoin de réfléchir sur la foi dans leurs propres termes : elles ont besoin d’utiliser leurs propres instruments pour interpréter l’Écriture, les formulations doctrinales du passé, les pratiques éthiques et les coutumes liturgiques. Toute l’expérience du passé (Écriture et Tradition) et l’expérience du présent (contexte) peuvent interagir de diverses manières en étant conditionnées par des circonstances particulières et des convictions théologiques, mais la façon dont la foi chrétienne doit s’engager de manière authentique dans le contexte est simplement un impératif missiologique.
vendredi 22 octobre.
Pape François Nouvelles formes de Fraternité
Le principal message d’espérance que je désire partager avec vous est précisément celui-ci: il s’agit de problèmes pouvant être résolus et non pas de manque de ressources.
Un monde riche et une économie dynamique peuvent et doivent mettre fin à la pauvreté. On peut engendrer et promouvoir des dynamiques capables d’inclure, de nourrir, de soigner, et de vêtir les derniers de la société au lieu de les exclure. Nous devons choisir à quoi et à qui donner la priorité: si favoriser des mécanismes socio-économiques humanisants pour toute la société ou, au contraire, fomenter un système qui finit par justifier certaines pratiques qui ne font qu’accroître le niveau d’injustice et de violence sociale. Le degré de richesse et de technique accumulé par l’humanité, ainsi que l’importance et la valeur que les droits humain ont acquises, n’admettent plus d’excuses. Nous devons être conscients que nous sommes tous responsables. Cela ne veut pas dire que nous sommes tous coupables, non; nous sommes tous responsables de faire quelque chose.
Une nouvelle éthique présuppose d’être conscients de la nécessité que tous s’engagent à travailler ensemble en vue d’éliminer les paradis fiscaux, éviter la fraude fiscale et le blanchiment d’argent qui volent la société, ainsi que pour dire aux pays l’importance de défendre la justice et le bien commun au-dessus des intérêts des entreprises et des multinationales les plus puissantes — qui finissent par étouffer et empêcher la production locale —. Le temps présent exige et demande de passer d’une logique insulaire et antagoniste, comme unique mécanisme autorisé pour résoudre les conflits, à une autre logique capable de promouvoir l’interconnexion qui favorise une culture de la rencontre, où puissent se renouveler les bases solides d’une nouvelle architecture financière internationale.
Dans ce contexte, où le développement de certains secteurs sociaux et financiers a atteint des niveaux jamais vus auparavant, comme il est important de rappeler les paroles de l’Evangile de Luc: «A qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé» (12, 48). Combien est une source d’inspiration d’écouter saint Ambroise, lui qui dit avec l’Evangile: «Toi (riche) tu ne donnes pas ce qui t’appartient au pauvre [quand tu fais la charité]…. mais tu lui remets ce qui est à lui. Car toi seul utilises la propriété commune donnée pour l’usage de tous» (Naboth 12, 53). Tel est le principe de la destination universelle des biens, la base de la justice économique et sociale, ainsi que du bien commun.
Nous célébrons l’opportunité de nous savoir les co-participants de l’œuvre du Seigneur qui peut changer le cours de l’histoire au bénéfice de la dignité de chaque personne d’aujourd’hui et de demain, en particulier des exclus, et au bénéfice du plus grand bien et de la paix. Nous nous engageons ensemble avec humilité et sagesse à servir la justice internationale et inter-générationnelle. Nous avons une espérance illimitée dans l’enseignement de Jésus qui nous dit que les pauvres en esprit sont bénis et heureux, car le Royaume des cieux, qui commence déjà ici et à présent, leur appartient (cf. Mt 5, 3).
Discours du Pape François aux participants à un séminaire sur les « Nouvelles formes de fraternité solidaire » organisé par l’Académie Pontificale des Sciences Sociales 5 février 2020
Samedi 23 octobre
Un temps défié
Durant les mois d’urgence du virus, nous avons tous entendu, au moins une fois, la phrase suivante : “ rien ne sera plus comme avant ”, même si, au fond de notre cœur, nous avons tous imaginé et espéré que tout puisse redevenir comme avant et même que nous allions récupéré du temps et des ressources pour repartir au même rythme qu’avant et retrouver les situations comme elles étaient précédemment.
À partir de cela, nous devrions au moins nous poser quelques questions : qu’apprenons-nous de ce temps et, en même temps, quels changements sont-ils en train de naître ? et comment pouvons-nous imaginer le demain de nos communautés ? Quel témoignage offrir comme indicateur de prophétie ?
Prophétie et témoignage exigent de s’impliquer dans une action pastorale responsable, pour tenter d’accueillir, de discerner et de s’engager face au “ nouveau ” que, quoi qu’il en soit, ce temps apporte avec lui, à partir du moment où aucune période n’est étrangère à l’action de l’Esprit. À moins que nous concevions ce moment comme un accident de parcours, à mettre entre parenthèses et à ne pas considérer comme un temps de vie et de vie ecclésiale. Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui, par rapport aux dernières décennies, il ne nous est donné de toucher la marginalité de l’Église et, encore plus, l’expression communautaire de la vie de foi des personnes.
En quittant les polémiques stériles et en assumant de façon responsable notre vie dans le contexte social et global qui est le nôtre, la possibilité nous est fournie aujourd’hui – possibilité unique par certains aspects – de pouvoir traduire en réalité un rêve pastoral cultivé depuis longtemps. Il est possible de construire le nouveau, par rapport à ce que nous nous sommes dits depuis si longtemps au sujet de nombreux aspects de notre vie ecclésiale : du besoin d’alléger notre “ obésité pastorale ” à l’exigence de délivrer à nouveau l’essentiel, notamment de l’annonce, en passant par une révision du chemin de formation à la vie chrétienne, par notre façon de construire des communautés à la mesure de l’Évangile, d’adopter un nouveau style dans les relations, de repenser les figures ministérielles, et surtout des prêtres, de retrouver une qualité de nos célébrations, de faire grandir de réels espaces de proximité aux blessures de la vie…
Mais, comme pour toutes les opportunités, nous pouvons les refuser ou les accueillir, en les assumant et en investissant sur elles. Comme communauté ecclésiale aussi, nous sommes appelés à le faire, sans nous placer dans une forme d’attentisme.
Nous devons nous dire, avec autant de franchise, que la peine qui nous attend pour nous plonger dans le nouveau révèle aussi, comme cela est normal, nos difficultés précédentes. De fait, le risque ne manque pas d’offrir des substitutifs plutôt que de procéder à une réflexion plus exigeante pour entrevoir ensemble de nouveaux sentiers à parcourir. Parfois nous nous contentons de simples solutions de rechange qui, de fait, dénoncent notre difficulté à mettre au point de véritables actions pastorales.
Certes, personne ne nie que nous avons fait notre possible pour réaliser ce que nous savions faire, mais personne ne doit nous distraire de ce que nous avons et sommes réellement en train de transmettre.
Voilà pourquoi, nous interroger sur la relation féconde qui lie prophétie et témoignage et nous laisser éduquer par notre temps peut nous permettre de puiser et de transmettre les paroles de l’Évangile pour qu’elles soient, nous le souhaitons tous, plus audibles et plus compréhensibles.
Oui, les prophètes, pour être tels, doivent être nécessairement les témoins d’une histoire continuellement engendrée par la fidélité à Dieu, tout comme chaque témoin, pour dire la vérité de ce qu’il a rencontré, doit être inévitablement un prophète, quelqu’un qui anticipe par le récit de son expérience quelque chose de possible pour tous, d’audible par tous.
Si le prophète scrute le futur, c’est pour dire une parole chargée de signification et de valeur sur le présent. Si le témoin parle au présent, c’est pour dire une parole sur les bourgeons qui annoncent un avenir de beauté et de bonté, car ils sont l’œuvre de Dieu.
Profeti e testimoni del medesimo volto (Prophètes et témoins, profils du même visage) du p. Ezio Falavegna, Curé à Vérone, professeur de théologie pastorale à la faculté de théologie de la région de la Trivénétie, membre de l’équipe de formation de la Fondation Missio.
Dimanche 24 octobre
TÉMOINS ET PROPHÈTES
Nous sommes appelés à regarder ce temps que nous vivons et la réalité qui nous entoure avec un regard de confiance et d’espérance. Nous sommes certains que, même au milieu de la pandémie et des crises qui en découlent et qui nous accompagnerons pendant encore un certain temps, le Seigneur ne nous a jamais abandonnés et continue de nous accompagner. Le Royaume de Dieu n’est pas seulement une promesse pour un futur que nous sentons encore trop lointain. Son Royaume est déjà inauguré, il est déjà présent : nous savons en lire les signes et, en authentiques missionnaires, nous le faisons connaître pour qu’il soit une espérance régénératrice pour tous.
Le Message du Pape François pour la Journée mondiale des Missions nous exhorte aussi à être des témoins et des prophètes, avec le même courage que Pierre et Jean qui, devant les chefs du peuple et les anciens, n’ont pas peur de dire : « Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons et entendu » (Ac 4, 20). Le Pape François écrit : « Dans le contexte actuel, il y a un besoin urgent de missionnaires d’espérance qui, oints par le Seigneur, soient capables de rappeler prophétiquement que personne ne se sauve tout seul. Comme les Apôtres et les premiers chrétiens, nous disons nous aussi de toutes nos forces : “ Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu ” (Ac 4, 20) ». Et, un peu plus loin, le Pape François ajoute : « Les premiers chrétiens, loin de céder à la tentation de s’enfermer dans une élite, ont été attirés par le Seigneur et par la vie nouvelle qu’il offrait pour aller parmi les nations et témoigner de ce qu’ils avaient vu et entendu : le Règne de Dieu est tout proche. Ils l’ont fait avec la générosité, la gratitude et la noblesse de ceux qui sèment en sachant que d’autres mangeront le fruit de leur engagement et de leur sacrifice. C’est pourquoi j’aime penser que “ même les plus fragiles, les plus limités et les plus blessés peuvent être [missionnaires] à leur manière, parce qu’il faut toujours laisser le bien se communiquer, même s’il coexiste avec de nombreuses fragilités ” ».